Oraisons
Editions Bragelonne, 720 pages, illustration de F. Augis
Oraisons est une duologie écrite en 2009 (La Langue
du Silence) et 2010 (La Chute des Etoiles) par Samantha
Bailly, auteur française qui signe avec ce premier roman un succès
retentissant. Editée une première fois en 2009 et 2010 par les
éditions Mille saisons, la duologie est maintenant plus connue sous
le titre d'Oraisons depuis la parution de l'intégrale en mars 2013
par Bragelonne.
(Ci-dessus, la page de garde que Samantha Bailly m'a gentiment dédicacée)
(Ci-dessus, la page de garde que Samantha Bailly m'a gentiment dédicacée)
Dans le royaume d'Heldérion, gouverné par l'Astracan,
figure religieuse et politique, la mort est un rite religieux mais
aussi un commerce dont les Manérian, famille d'oraisonnier,
sont les principaux bénéficiaires. Gide Manérian, chef de
la corporation des oraisonniers, et sa fille ainée Noony
côtoient la mort tous les jours et en sont devenus familiers
en tant qu'oraisonniers. C'est du moins ce que croyait Noony
jusqu'à ce qu'elle apprenne que sa petite sœur de treize ans,
Mylianne, a été sauvagement assassinée. Aileen,
sœur cadette, ne supporte pas la perte de sa sœur et est décidée
plus que tout à la venger. Quant à Noony, l'annonce de la
guerre contre les Terres Impies bouleverse son existence :
elle devra aller au front si elle accepte la guerre.
Prix: Bragelonne: 25 €
Marion
Attention, il y aura deux avis
l'un pour le premier tome, La Langue du Silence, et un autre pour La
Chute des Etoiles (dont
certains détails du premier tome pourront être révélés).
L'avis de Marion :
Acheté par coup de cœur pour la couverture mais aussi du fait de la
présence de Samantha Bailly au Comic Con, Oraisons
m'a très vite conquise.
Tout
d'abord La Langue du
Silence
pose une histoire qui a l'air a priori très classique : la
guerre et la vengeance. Mais au fur et à mesure des pages, Samantha
Bailly sait se détacher de ce qui semble être un classique pour en
faire un vrai roman riche, complexe et vaste mais surtout d'une
justesse effarante. La structure du roman en elle-même est assez
déroutante mais contribue aussi bien à expliquer les différentes
éléments qui se mettent en place qu'à développer les mystères.
Les interludes surtout sont courts mais d'une importance capitale et
peuvent parfois paraître bien obscurs. L'idée de diviser les points
de vue pour passer de Noony à Aileen m'a particulièrement plue même
si j'ai une préférence marquée pour les passages avec Noony mais
que j'ai plus d'affinité avec le personnage d'Aileen. Seulement une
seule de mes prédictions sur le déroulement du roman s'est avérée
juste, ce qui est gage d'un bon scénario.
Le
style de Samantha Bailly est élégant mais à la fois simple et
riche. Elle ne s'étale pas sur des pages de descriptions mais sait
en mettre des brèves et précises aux endroits stratégiques.
Cependant, une petite critique, il ne m'a pas été aisé de
comprendre qui était qui au début du roman, notamment les parents
Manérian. En effet, Samantah Bailly les fait nommer par leur prénom
même pour leur filles, ainsi j'ai mis du temps à comprendre que
Gide était en fait le père de Noony, Aileen et Mylianne. De même
pour les âges des trois filles. Si il est clairement spécifié dès
les premières pages que Mylianne a treize ans, l'âge de Noony reste
un mystère complet et celui d'Aileen est révélé tardivement. Mais
ceci n'est qu'un point de détail que j'ai très vite oublié dans le
second tome. Le final du second tome m'a vraiment émue (pas le
dernier chapitre mais avant) et si je n'avais pas été en public,
j'aurais versé ma larme. Une auteur qui sait faire pleurer est pour
moi un auteur à retenir.
Niveau
personnages, il y a tellement à dire mais si peux que je puisse dire
sans tout révéler.
Aileen est sans conteste le
personnage le plus surprenant du roman. Son évolution est
complètement inattendue. En effet la jeune fille change au fil des
pages avec une détermination impressionnante. Pas une seule seconde
je l'aurais cru capable de la moitié de ce qu'elle a pu accomplir.
Malgré tous les morts qui l'entourent la jeune fille va de l'avant
et se découvre des possibilités encore jamais exploitées, elle a
conscience de ce qu'elle devient mais essaye de s'en sortir par ce
seul moyen. Impressionnant.
Noony est un peu plus réfléchie
mais paraît pour le coup plus naïve et crédule que sa sœur, ce
qui fait que ma préférence va à Aileen. Cependant, elle aussi fait
prendre d'une force de caractère que je lui aurais pas soupçonnée,
de plus, son sentimentalisme est indispensable pour contre-balancer
l'extrême de Alexian.
Si Alexian est très blagueur,
taquin et drôle, il peut faire preuve aussi d'une volonté parfois
cruelle pour aller jusqu'au bout de ce qu'il a à accomplir. Il est
en revanche, pour ma part, le symbole même de toute la fantasy et le
rapport à la nature qu'a voulu instaurer Samantha Bailly et il
devint donc avec Lorion mon personnage fétiche. D'ailleurs, il est
l'un des plus humains des héros – ce n'est que mon avis – il a
des travers mais aussi des qualités, il les assume. Blessé par le
racisme, il est très renfermé. On a donc le plaisir de le découvrir
plus en profondeur dans le second tome.
La Chute des Etoiles
Sans conteste mon préféré des
deux romans. J'ai été singulièrement marqué par la violence et
surtout à quel point Samantha Bailly semble être impitoyable avec
ses personnages. Les malheurs ne cessent de croître autour d'eux,
cela ne semble jamais avoir de fin. Je parlais de « justesse
effarante » à propos d'Oraisons pour La Langue du Silence
mais ceci est encore plus visible dans La Chute des Etoiles.
Toute l'horreur de l'humanité y est représentée, je n'aurais pas
pensé que Samantha Bailly irait aussi loin : meurtre, complots
politiques, diffamations, tortures, multiples blessures
psychologiques ou physiques, viol (dès les premières pages de La
Langue du Silence !), toutes les horreurs qu'est capable de commettre
un humain sont dans ce livre. Les personnages principaux étant des
adolescents ou des jeunes adultes fraîchement sortis de
l'adolescence, je m'attendais à un scénario plus soft, j'ai été
surprise et c'est ça toute la force de ce roman. S'il était évident
que d'un point de vue scénario, la plaie fleurie allait échouer,
j'étais incapable d'imaginer ce que serait ce second tome pour Noony
et Alexian. Le deuxième tome est sans conteste mon préféré car il
reflète tout ce qu'il y a de mauvais en l'homme et ce que peut
provoquer la religion. En disant cela, je fais allusion notamment à
l'Inquisition espagnole, aux voyages en Asie des compagnies des Indes
orientales ou encore à la colonisation où des milliers de personnes
ont été massacrés au nom d'une mission religieuse sacrée. La
religion est un sujet difficile à aborder mais Samantha Bailly l'a
fait avec brio en se concentrant sur la cupidité de l'homme et sa
cruauté.
Ainsi pour ma part, au-delà de
l'Astracan, qui représente un niveau de cruauté tout de même
extrême, c'est Gide Manérian qui incarne le summum de l'horreur que
peut accomplir un homme. En effet, non content d'aider dans les
complots contre le bien de son pays, c'est aussi un homme totalement
fanatique et possédé par sa religion au point même d'en sacrifier
sa famille pour rester parfait aux yeux de son représentant
spirituelle et ainsi s'assurer une place dans l'au-delà. Un parfait
exemple de ce que peut apporter l’extrémisme, que ce soit
religion, politique ou autres.
Aileen se rapproche de la jeune
fille perdue qu'elle aurait dû être si elle n'avait pas affronté
avec un sang froid extrême toute sa situation, elle devient plus
sensible, elle se laisse aller mais ses mensonges l'emprisonnent et
elle ne peut donc pas profiter de ce que la vie lui offre. Elle doit
faire face à ses erreurs. Au final, elle s'en sort plutôt bien à
sa manière.
Noony et Alexian traversent bien
des épreuves eux aussi. Noony est ébranlée au plus profond
d'elle-même du fait de la remise en question de ce qu'elle a
toujours connu. Un fait d'ailleurs qu'elle prend plutôt bien pour
quelqu'un qui voit tout ce qu'elle sait s'effondrer. Mais surtout
elle doit se confronter à ses sentiments grandissants et à sa
condition qui l'empêche d'aimer. Dur dilemme que les deux
personnages essayent tant bien que mal d'éviter pour rester
néanmoins ensemble. Grâce à ce périple en Rouge Terre, le lecteur
découvre un Alexian plus joyeux, plus ouvert, prêt à tout pour sa
terre mais aussi beaucoup plus attaché à sa famille qu'il ne le
laissait penser.
Enfin je conclurais sur le tour de
force qu'a accompli Samantha Bailly, un choix judicieux narrativement
parlant (toujours ce fameux chapitre qui m'a presque tirée des
larmes) que je salue en tant qu'étudiante en lettre mais que je ne
peux que déplorer en tant que lectrice fan, surtout au vu de la
toute dernière page qui contrit mon âme fleur bleue.
En somme, un diptyque magistrale
qui fait découvrir des terres fabuleuses mais qui se révèlent par
souvent tellement proche de la réalité qu'on y perd pied. A lire
absolument. Personnellement, vous l'aurez compris, je suis
totalement sous le charme, et je vais même économiser pour acheter
les autres œuvres de Samantha Bailly.
Commentaires
Enregistrer un commentaire